Qu’on ne nous vante plus le charmes du repos:
Nous aimons mieux courir à des périls nouveaux,
Et vainqueurs avec gloire ou vaincus sans bassesse,
N’avoir point à pleurer de honteuse faiblesse.
Edouard
[185] fugitif a laisé dans nos coeurs
Le désespoir affreux l’avoir été vainqueurs.
A quoi nous servait-il d’enchaîner la victoire?
Avec moins de lauriers nous aurions plus de gloire.
Et contraints de céder à la loi du plus fort,
Nous aurions pu du moins en accuser le sort.
Mais trahir Edouard, lorsque l’on peut combattre!
Immoler à Brunswick
[186] le sang de Henri Quatre!
Et de George vaincu subir les dures lois!
O Français! O Louis! O protecteurs des rois!
Est-ce pour les trahir qu’on porte ce vain titre?
Est-ce en le trahissant qu’on devient leur arbitre?
Un roi qui d’un héros se déclare l’appui,
Doit t’élever au trône ou tomber avec lui.
Ainsi pensaient les rois que célèbre l’histoire,
Ainsi pensaient toux ceux à qui parlait la gloire.
Et qu’auraient dit de nous ces monarques farmeux,
S’ils avaient du prévoir qu’un roi plus puissan qu’eux,
Appelant un héros au secours de la France,
Contractant avec lui la plus sainte alliance,
L’exposerait sans force aux plus affreux hasards,
Aux fureurs de la mer, des saisons et de Mars!
Et qu’ensuite unissant la fablesse au parjure,
Il oublierait serments, gloire, rang et nature;
Et servant de Brunswick le système cruel,
Traînerait enchaîne le héros à l’autel!
Brunswick, te faut-il donc de si grandes victimes?
O ciel, lance tes traites; terre, ouvre tes abimes!
Quoi, Biron
[187], votre roi vous l’a-t-il ordonné?
Edouard, est-ce vous d’huissiers environné?
Est-ce vous de Henri le fils dignes de l’être?
Sans doute. A vos malheurs j’ai pu vous reconnaître.
Mais je vous reconnais bien mieux à vos vertus.
O Lois! Vos sujets de douleur abattus,
Respectent Edouard captif et sans couronne:
Il est roi dans les fers, qu’êtes-vous sut le trône?
J’ai vu tomber le sceptre aux pieds de Pompadour
[188]!
Mais fut-il relevé par les mains de l’amour?
Belle Agnès
[189], tu n’es plus! Le fier Anglais nous dompte.
Tandis que Louis dort dans le sein de la honte,
Et d’une femme obscure indignement épris.
Il oublie en ses bras nos pleurs et nos mépris.
Belle Agnès, tu n’es plus! Ton altière tendresse
Dédaignerait un roi flétri par la faiblesse.
Tu pourrais réparer le malheurs d’Edouard
En offrant ton amour à ce brave Stuard.
Hélas! Pour t’imiter il faut de la noblesse.
Tout est vil en ces lieux, ministres et maîtresse:
Tous disent à Louis qu’il agit en vrai roi;
Du bonheur des Français qu’il se fait une loi!
Voilà de leurs discours la perfide insolence:
Voilà la flatterie, et voici la prudence:
Peut-on par l’infamie arriver au bonheur?
Un peuple s’affaiblit par le seul déshonneur.
Rome, cent fois vaincue, en devenait plus fière,
Et ses plus grands malheurs la rendaient plus altière.
Aussi Rome parvint à dompter l’univers.
Mais toi, lâche ministre
[190], ignorant er pervers,
Tu trahis ta patrie er tu la déshonores.
Tu poursuis un héros que l’univers adore.
On dirait que Brunswick t’a transmis ses fureurs;
Que ministre inquiet de ses justes terreurs
Le seul nom d’Edouard t’épouvante et te gêne.
Mais apprend quel sera le fruit de cette haine:
Albion
[191] sent enfin qu’Edouard est son roi,
Digne, par ses vertus de lui donner le loi.
Elle offre sur la trône asile à se grand homme,
Trahi tout à la fois par la France et par Rome;
Et bientôt les Français, tremblants, humiliés,
D’un nouvel Edouard viendront baiser le pieds.
Voilà les tristes fruits d’un olivier funeste
Et de nos vains lauriers le déplorable reste
[192]!